Octobre 1967 : Murcietti Laurent, brillant inspecteur au 36 quai des Orfèvres, né d'une lignée de grands policiers, se voit détaché en province à Plaudren dans le Morbihan. Il va devoir résoudre une enquête de disparitions d'enfants, qui piétine et inquiète les autorités. La découverte de corps mis en scène dans des positions étranges, ainsi que celle d'un dessin grossier d'un Ibis rouge deviendront des énigmes complexes.
Là-bas en Bretagne le parisien célibataire, va découvrir un monde inconnu et parfois éprouvant, où il sera l'étranger, celui qui doit convaincre et réussir.
Malheureusement Murcietti confronté à de multiples échecs et une hiérarchie sans concession, va devoir abandonner les recherches. Avec une volonté farouche il continuera à se battre à distance et cela jusqu'au dénouement final où sa propre vie va basculer. Confronté à l’enquête la plus tortueuse de sa carrière, il se posera maintes fois des questions sur son devenir.
Ce roman, au-delà d'une enquête policière est aussi un livre où se mêlent l'amour, la famille, l'amitié, la fête ainsi que toutes les joies et peines d'un tranquille village de province.
CHAPITRE II
Juin 1967. Macabre découverte.
L’été doucement introduisait les rayons chauds d’un soleil
annonçant bientôt la fermeture d’une école encore agonisante.
Les cris de l’insouciance désertaient progressivement la cour de
récréation. Cette fin d’année scolaire devenue trop pesante depuis
la disparition brutale et inexpliquée du petit Garec se présentait
comme une évidence pour une institutrice résignée. Afin de survivre au mieux, les parents d’Olivier continuaient sans compter leur dur labeur de paysan. Ils n’avaient pas le temps de se lamenter, juste quelques minutes chaque jour pour implorer le Seigneur. Les
gendarmes continuaient en vain les recherches, laissant au fil des
mois une toute petite cellule d’agents pour l’enquête. Dans un
proche avenir, plus personne ne se souciera de cette famille dans la
tourmente ; les malheurs du présent chassent au rythme des vents
tourbillonnants ceux du passé.
Seule, dans sa classe, mademoiselle Loiseau, assise sur le rebord
d’une estrade usée par les années et cernée d’ouvrages scolaires,
semblait rêvasser. Elle faisait partie de ces personnes soucieuses
devant l’incompréhensible. Pas un corps qui flotte à la surface des
eaux dormantes, pas même un petit carré de tissu de la chemise
de l’enfant accroché aux épines d’un sapin, rien de rien, sinon le
flottement d’un long silence douloureux... Sans nouvelle, c’est
l’âme en peine dont elle partirait dans deux jours se reposer au bord de la mer, le temps d’oublier un peu ce passage noir et irrésolu.
Rongée par les interrogations, le cerveau comme vidé, elle tournait
la lourde clé dans la serrure.
– À bientôt, se dit-elle devant la façade lézardée du bâtiment, en
souhaitant que le bleu de la mer me redonne le sourire et que le petit Olivier sera un jour de nouveau au coin, les bras dans le dos, les yeux tournés vers le plafond.
La petite Maëva Le Gourriérec, âgée de onze ans, d’origine
polynésienne et brillante élève se promenait seule à travers champs.
Elle confectionnait avec amour un bouquet de fleurs des prés,
comme nous l’avons tous fait pour notre maman chérie.
« Le bouton d’or ne brillerait que le temps d’une nuit, le pétale de la
marguerite fanerait avant que l’on ne l’effeuille. »
L’essentiel pour l’enfant était de ravir le coeur de celle qui se
saignait à chaque instant pour son bonheur. Soudain, au détour
d’un chemin, elle aperçut au sol une craie blanche qu’elle ramassa
et déposa dans la poche avant de sa jupe. Plus loin, cette fois, ce
fut une bleue, puis verte, puis jaune... Elle se prit au jeu tout en
chantant : « Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent.
Colchiques dans les prés : c’est la fin de l’été ».
Elle suivait cet étonnant parcours tracé, sans l’ombre d’une
crainte, sans savoir où ce labyrinthe la mènerait. Il ne restait plus
qu’un bâton, rouge comme le sang, avant que ne se présente à elle
l’horreur d’une scène insoutenable.
Un tableau noir suspendu aux branches d’un orme géant laissait
entrevoir le corps sans vie du petit Olivier dans la position identique de Jésus-Christ. Il paraissait scotché dans un environnement surréaliste. Au-dessus de sa tête, penchée par une couronne d’épine, était grossièrement crayonnée un bonnet d’âne en rouge.
Tout semblait soigné, pas d’hémoglobine dégouttelant, juste des
traits grossiers de sang sur le front, les joues et le menton. Un
enfant assassiné presque propre et bien vêtu. Le chef d’oeuvre d’un
hypothétique fou venait de faire une apparition comme une toile de peintre dans un improbable décor.
Malgré son jeune âge, elle comprit immédiatement le macabre
de la situation et dans un interminable sanglot, elle rebroussa
chemin. Elle courait, chutait, courait à nouveau, tombait... Piquée
aux jambes par des feuilles d’ortie, elle hurla en reprenant une
course aveugle, effrénée, chahutée par des racines éparses.
Paniquée, perdue dans ce bois devenu immense, elle se
laissa volontairement choir sur le sol. Elle était maintenant sans
connaissance à la merci de n’importe quel cinglé. La nuit tombait
doucement accompagnée d’une légère brise fraîche, réveillant
l’enfant évanouie. Dans un ultime et courageux effort, elle se releva.
Devant la demeure familiale, tout un proche voisinage de
Maëva s’inquiétait, discutant fortement, désirant l’intervention
de la maréchaussée. Sa maman, Yvonne, pleurait imaginant déjà
son amour de petite fille enlevée par un satire. Au moment où le
désespoir grandissait, se fit entendre le hurlement d’une petite fille
désespérée. Ce fut un tourbillon d’embrassades, de cris de joie, de
« ouf » de soulagement, puis de longues étreintes. On l’entourait,
l’étouffait, tout le monde souhaitait comprendre sa brutale
disparition, ainsi que les raisons de son profond désarroi.
Aucun mot ne s’échappait de sa bouche, pas une phrase pour
éclairer les curiosités.
– Appelons les gendarmes, cria avec conviction Yvonne.
– Tu as raison, acquiesça son mari blanc comme un linge.
– Oui, oui les gendarmes, reprirent en coeur les proches, les amis,
les voisins...
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